Rassemblement en mémoire de Mawda et contre l'Europe forteresse
Devant le MR de Liège, le 21 mai 2018
Durant la nuit du 16 au 17 mai, Mawda, une enfant migrante de deux ans d'origine kurde, est décédée d'une balle tirée sciemment par un policier lors d'une intervention sur l'autoroute. Une voiture bourrée de migrant·e·s, conduite par un passeur, tentait de rejoindre la France après avoir été repérée par la police. Mawda était à l'avant, posée sur les genoux de sa mère. Le policer était lui dans une voiture qui coinçait la camionnette sur sa droite. En l'état actuel des informations qui ont filtré de l'enquête via la presse, ce policier aurait tenté d'abattre le chauffeur pour… immobiliser le véhicule, qui roulait à 90 km/h ? En moins d'une semaine, les versions de la police, du comité P, du procureur, des politiques et enfin… des parents et de leur avocat ne vont cesser de se contredire.
Dans la suite de ce qu'il faut bien appeler un meurtre (aucune légitime défense n'est ici évoquée), une première manifestation fut organisée très rapidement à Bruxelles puis une autre à Mons, ville la plus proche du drame. Lundi 21 mai, à Liège, des membres du tout jeune collectif Migrations Libres prenaient l'initiative de mobiliser à leur tour, appelant à un rassemblement pour le lundi 21 mai, devant le siège du Mouvement Réformateur de Liège, unique parti francophone représenté dans l'actuelle coalition, afin de dénoncer que ce qui est ici en jeu c'est la responsabilité de la totalité du gouvernement.
Le but : partager un moment de deuil de manière collective, faire entendre en même temps une colère légitime et montrer une ferme volonté de résistance aux politiques migratoires, répressives et xénophobes, menées en Belgique mais aussi dans la quasi totalité de l'Europe, des politiques dont les conséquences terribles venaient encore d'être démontrées, affirmer que ce type de politique tue aux frontières, dans la Méditerranée, dans les centres fermés, dans les rues et sur les autoroutes.
Le collectif voulait revendiquer par la même occasion :
- la fin immédiate des rafles des migrant·e·s, l'organisation de couloirs migratoires sécurisés, la fin du règlement de Dublin (voir ici pour l'explication de ce traité) des candidat·e·s à l'asile et un accueil digne pour ces personnes comme pour les migrant.e.s en transition sur notre territoire.
- le démantèlement immédiat des centres fermés et la régularisation de tou·te·s les sans-papiers.
- l'établissement des responsabilités politiques de la mort de Mawda et leur traduction concrète par la démission des Ministres Jambon et Francken, ainsi que la condamnation judiciaire tant du ou des responsables de la mort de Mawda que de celles et ceux qui en cette affaire ont sciemment menti à la population sur ce qui s'est réellement passé.
En moins de deux jours, l'appel de Migrations Libres a été rejoint par le CRACPE - Collectif de Résistance Aux Centres Pour Etrangers - Liège, Liège - Hébergement plateforme Citoyenne, Antifa Liege, le Collectif Crer (collectif contre les rafles, les expulsions et pour la régularisation), Riposte Cte, CADTM Belgique, Gauche anticapitaliste, le centre culturel Kurde de Liège, JOC Liège, MRAX asbl, Stop Répression, ASBL La Cible, Action Autonome Liège, Mouvement Demain - Régionale de la province de Liège, Attac Liège, Vert Ardent, Ecolo Ville de Liège, la Fédération liégeoise du Parti Communiste, PTB Liège , Amitié SANS Frontières Liège, PSL - Liège, écolo j Liège, Coopérative politique VEGA, La Voix des Sans-Papiers de Liège, Collectif contre les Violences familiales et European Observatory for Democracy and Peace. EODP.
Le soir du lundi 21 mai, ce sont près de 400 personnes qui étaient réunies en Vinâve d'Île, pour commencer par respecter une minute de silence :
- En hommage à Mawda, assassinée par la police dans la nuit de mercredi à jeudi,
- En hommage à Semira Adamu dont le drame de cette semaine rappelle le visage et l'innommable décès, c'était il y aura bientôt 20 ans,
- En hommage à toutes les victimes des politiques liberticides, criminelles et criminogènes, menées en Europe et dans le monde, contre le droit de migrer, de fuir misères, tortures et guerres, et de construire légitimement sa vie ailleurs que là où l'aléatoire de l'existence les a fait naître,
- En hommage aux victimes de la chasse aux exilé·e·s menée en Méditerranée et aux frontières de l'Europe forteresse,
- En hommage aux victimes des centres fermés, des pratiques inhumaines d'expulsion, de tous les enfers de Calais, des chasses meurtrières aux migrants et migrantes menées aux abords des autoroutes et dans les gares,
- En hommage aux victimes des négriers,
- En hommage enfin aux millions de victimes des guerres, politiques et économiques, causes de tant d'exils, menées souvent en notre nom et dans lesquelles nous ne nous reconnaissons pas.
Ce sont ensuite des porte-paroles de Migrations Libres, de Liège- Hébergement-Plateforme citoyenne, de la Voix des sans Papier, du Centre culturel kurde puis du Collectif de résistance aux Centres pour Etrangers (CRACPE) qui se sont succédés.
Intervention de Thierry Müller, pour Migrations Libres
Liège est ardente et sait manifester sa révolte quand il le faut.
À Migrations Libres, action collective, humanitaire et politique, de solidarité avec les réfugiés, nous avons souhaité ce rassemblement d'abord parce que nous sommes choqués, révulsés, par ce qui s'est passé, et puis révoltés par les versions officielles qui ont été données de ce meurtre non légitimable, injustifiable.
Nous accusons les Ministres Jambon et Francken d'être politiquement responsables de ce qui s'est passé du fait de leur politique et de leur propos réitérés contre les migrantes et les migrants, contre celles et ceux qui les aident et les soutiennent via la Plateforme d'hébergement notamment et le CRACPE, contre les organisations qui, elles, tentent dans ce pays de faire respecter le droit, le droit juridique international dans ce qu'il a encore d'humain, mais aussi et surtout les droits éthiques élémentaires. En réalité, c'est TOUT le gouvernement que nous accusons d'être à la base de cette Xième horreur, cette bavure qui n'en est pas une, consécutive à des pratiques et à des propos xénophobes inadmissibles. Ces pratiques et ces propos criminogènes, ils sont portés au Parlement et dans les médias par les Ministre et secrétaire d'Etat Jambon et Francken bien sûr, dont nous exigeons la démission. Mais ces deux Ministres mènent des politiques que le MR et Charles Michel notamment cautionnent et légitiment, d'où la raison de notre présence ici ce soir. C'est de tout ce gouvernement dont nous ne voulons plus. C'est de ce gouvernement dont nous ne voulons plus… jamais !
Pour Migrations libres, personne ne choisit où il naît, chacun et chacune doit avoir le droit de vivre, de se poser, de transiter, d'apprendre, d'aimer et de créer, bref de construire sa vie, là où il et elle le désirent. Nous sommes à l'aube du XXIe siècle, à l'ère du village global. Les frontières ne peuvent plus être des limites infranchissables pour les uns, instruments de bannissement pour les autres, et simples lignes dans un relief que survolent allègrement une minorité de nantis !
De quel droit les riches, les puissants, ceux qui nous gouvernent et dirigent notre économie mortifère peuvent-ils eux se targuer du droit de libre circulation sur la planète entière, qui est devenue leur terrain de jeu, et enfermer les autres, nous, derrière des murs, des grilles et des postes frontières infranchissables, gardées à coups de feux et de prisons. Ces mêmes politiques qui font se multiplier passeurs et négriers. Passeurs et négriers ne sont pas les causes du problème et encore moins de la mort de Mawda. Ils en sont les effets, ils sont le produit voulu de ces politiques de mort et d'un régime mondial d'exploitation.
Aujourd'hui, nous pensons à ceux qu'à Migrations Libres, nous hébergeons et à l'amitié qui désormais nous lie. Anas, Bachir, Moussa, Adamu, Fatou, Hassan, Ibrahim, Danny, Ousman, Achirou, Cissé, Traoré, Henok, Tinshu, Emma, Thomas, et encore bien d'autres. C'est en pensant aussi à eux que nous en appelons :
- la régularisation des sans papier et à la fermeture des centres de la honte où on les emprisonne,
- la mise en place de couloirs sécurisés pour celles et ceux qui veulent juste transiter sur notre territoire, sécurisés par rapport aux passeurs mais aussi par rapport aux rafles et aux pratiques meutrières de la police aux ordres d'un ministre aux relents fascistes,
- la mise en place de lieux d'accueil décents, où il est possible de vivre dignement.
Enfin nous exigeons que soient sanctionnés tous ceux qui dans le meurtre de Mawda, ont commis des actes délictueux et ont sciemment menti à la population.
Dans la presse
"Liège se mobilise pour Mawda, contre l’Europe et le MR !" - Dhnet.be (21/05/2018)
"Liège se mobilise pour Mawda sous les fenêtres du MR" - La Libre.be (21/05/2018)
"Des manifestants à Liège après le décès de Mawda: "On ne peut pas cautionner que des gens qui fuient la guerre soient pourchassés"" - Rtl.be (21/05/2018)
"De trois à quatre cents manifestants devant le local des libéraux liégeois" - Rtbf.be (21/05/2018)
"Mawda : 400 personnes manifestent à Liège" - Rtc.be (22/05/2018)