Soutenez la libération de Luis, détenu au centre fermé de Vottem depuis 6 mois
- Opposant politique, Luis a fui la dictature de son pays d’origine, le Venezuela. Il vit en Belgique depuis 2020 et il partage sa vie avec Maude.
- Malgré la situation politique dans son pays et la preuve qu’il a été persécuté par la Police en raison de son statut d’opposant, l’État belge lui a refusé le droit à la protection internationale.
- Il y a six mois, il a reçu un ordre de quitter le territoire et une interdiction d’entrée de deux ans sur le territoire Schengen.
- Luis est aujourd’hui maintenu centre fermé de Vottem et menacé d’expulsion. Le 12 octobre, si on ne bouge pas, il sera rapatrié de force vers le Venezuela.
- Ce que nous demandons:
- La libération immédiate de Luis
- La possibilité pour Luis de régulariser sa situation en Belgique
Au travers de cette pétition, nous dénonçons également les conditions dans lesquelles Luis a été arrêté, et l’hypocrisie d’un système d’exploitation des travailleur·euses migrant·es qui profite aux plus riches et aux plus puissants. Luis est l’une des victimes de ce système!
Aujourd’hui, on se mobilise pour que Luis soit libéré! Aidez-nous à faire du bruit en direction des représentant·es politiques !
Luis est Vénézuélien. Après ses études en droit, il a commencé à travailler en tant que juriste dans l'agroalimentaire, un secteur intimement lié à un mouvement politique. En parallèle, il militait pour les droits des personnes LGBTQIA+, notamment en organisant des mariages pour les personnes de même sexe et en plaidant pour que ces unions (qui ne sont pas reconnues légalement au Venezuela) soient approuvées par le Congrès.
Suite à leur travail de lutte contre les discriminations, Luis et ses collègues ont été persécutés par le gouvernement vénézuélien qui cherche à réprimer toute forme d’opposition1. Luis faisait partie des leaders d’un parti d’opposition, et en ce sens, était exposé dans les médias. “Le Gouvernement nous cherchait pour essayer de nous faire taire. La police a essayé de m’arrêter à deux reprises, elle m’a menacé avec des armes, et m’a enjoint de quitter le pays en 2015, puis en 2016”, raconte Luis. “Le Gouvernement persécute de manière silencieuse, il vise les journalistes, les avocats, les étudiants, il fait fermer certaines chaînes de télévision. La censure était omniprésente”.
L'exil
Après un premier exil temporaire en Colombie en 2015, Luis décide de quitter le Venezuela en 2016. Il passe un peu de temps en Équateur, où il vit de petits boulots dans des hôtels, dans des conditions souvent difficiles, pour un salaire qui le contraint à ne se nourrir qu’une seule fois par jour. Il parvient ensuite à se rendre au Panama, il y travaille quelques années. Confronté à une grande précarité financière, à un droit de séjour limité et à la xénophobie, Luis prend un avion pour l’Europe en 2019 et arrive à Bruxelles.
À son arrivée, Luis introduit une demande de protection internationale. Durant le temps de la procédure, il est d’abord logé à Gouvy où il subit un confinement rigide en pleine crise du Covid, puis ensuite à Rocourt. Luis devient bénévole à la maison Arc-en-Ciel de Liège. Il travaille notamment sur la création d’un projet de centres pour demandeur·euses de protection internationale LGBTQIA+. Puis, en juin 2021, Luis reçoit une décision négative du CGRA. Sa demande d’asile a été refusée. “J’avais fait trois interviews de quatre heures, j’avais montré des vidéos avec des policiers qui étaient venus chez moi au Venezuela et des lettres de personnes vénézuéliennes qui expliquaient que la situation était dangereuse pour moi au Venezuela. Dans la décision, le CGRA reconnaît que j’avais montré beaucoup de preuves, qu’iels pensaient que j’avais dit la vérité, mais que ça ne signifiait pas que ma vie était en danger”, explique Luis. “J’étais choqué! Le CGRA n’avait fait aucune investigation, iels n’avaient aucune preuve pour appuyer leur décision de leur côté. C’était une décision arbitraire alors que moi j’avais montré des preuves.” Luis introduit alors un recours, qui reçoit également une décision négative. “L’avocat estimait que mes nouvelles preuves en langue espagnole n'étaient pas recevables car pas en français.” explique Luis.
L'installation à Liège
À partir de ce refus, Luis est expulsé du centre de Rocourt fin 2021. Il reçoit une lettre lui ordonnant de se rendre en centre fermé. Ce qu’il ne fait pas. Luis devient alors une personne sans-papier. Il squatte le canapé d’un ami qui vit à Liège pendant quelques mois. Il commence à travailler en noir comme plafonneur. Il gagne 250 euros par semaine. Il trouve finalement une chambre qu’il loue dans un quartier de Liège. En mai 2022, il fait la connaissance de Maude et noue une relation avec elle. Il fait tout pour vivre normalement et oublier la précarité de sa situation administrative : “J’ai préféré oublier la demande d’asile à ce moment-là, car c’était dur psychologiquement et je ne voulais pas risquer d’aller en centre fermé en entamant une nouvelle procédure”.
Arrive alors ce que chaque personne sans-papier redoute, une inspection du travail sur le chantier sur lequel il travaillait. Après avoir donné son numéro de registre national, les agent·es de l’inspection du travail appellent la police voyant que Luis avait préalablement reçu un OQT (ordre de quitter le territoire). “La police arrive comme si j’étais un terroriste”, raconte Luis. A six, ils prennent toutes ses affaires et l'emmènent dans une cellule austère du commissariat : “c’était humiliant”. Entre son arrivée au commissariat et son repas - une tartine et un verre d’eau -, Luis a dû attendre 6h30 dans le froid. Ensuite, en pleine nuit, désorienté, il est réveillé à 3h du matin par la cheffe de police qui l’interroge sur les raisons qui le poussent à travailler au noir. Quelques heures plus tard, le matin du 8 avril 2023, il est emmené à Vottem. Il arrive in extremis à contacter sa compagne, après avoir subi les moqueries des policiers dû à ses pleurs.
Détention au centre fermé de Vottem
Enfermé au centre fermé de Vottem depuis 5 mois, le moral de Luis est au plus bas : “Il n’y a rien a faire ici, tout le monde est triste et fatigué. On fait des aller-retours au tribunal. Il n’y a pas d’espoir ici.”, explique-t-il. “Il y a beaucoup de sentiments dans ma tête. Ça fait 9 ans que j’ai quitté mon pays. Ma mère est en Espagne. Ça fait neuf ans que je n'ai pas vu ma mère, j’ai une super relation avec Maude, je veux pas quitter la fille dont je suis amoureux”. Depuis son départ du Venezuela, sa famille et ses amis ont tous quitté le pays. Sa maman a également fui le pays et a obtenu un visa humanitaire en Espagne il y a 2 ans, en expliquant qu’elle était en danger dû aux activités de son fils contre le pouvoir. “Elle a eu des papiers avec tout mon dossier et mon histoire. Elle a expliqué qu’elle risquait sa vie car elle est ma mère”, raconte Luis. “C’est absurde que ce dossier fonctionne en Espagne mais pas en Belgique”, déplore Luis. Autrement dit, la maman de Luis est protégée par un visa humanitaire en Europe car son fils, en tant qu’opposant, est menacé par le gouvernement vénézuélien, mais Luis lui-même n’est pas protégé. Qu’attend la Belgique au juste pour agir ? Sa maman, à distance, soutient moralement Luis et cherche par tous les moyens à dénicher des documents qui aideraient son fils dans ses démarches.
La vie en centre fermé n’est pas facile : la nourriture n’est pas variée, la vie sociale est limitée et morose et les sorties dans la cour ne permettent pas réellement de “prendre l’air” dans ce quotidien emprisonné. “Tu restes dans ta chambre, dans le couloir, personne pour parler. Tu as besoin de socialiser, de rencontrer du monde… Ça fait 5 mois et demi que je ne vois personne, j’ai l’impression de devenir fou”, explique Luis. Et pourtant, Luis a la chance de recevoir les visites régulières de ses amis, de sa compagne et des soutiens qu’il a autour de lui à Liège. Ce n’est pas le cas de tous les détenus : “J’ai des camarades ici qui ne connaissent personne et qui n’ont pas de visites. J’ai un ami tanzanien, il a passé 6 mois ici. Zéro visite, il n’en pouvait plus. Il a été libéré car son ambassade ne donnait pas de laisser passer. Je l’ai beaucoup aidé psychologiquement pour continuer à lui donner de l’espoir. Il m’appelle presque tous les jours depuis”, raconte Luis.
Au centre fermé, Luis s’entend bien avec la plupart des gardiens, il a à cœur de soutenir les autres détenus et redistribue le tabac que ses visiteurs lui amènent. Les visiteurs ont des plages d’une heure de visite, ils ne peuvent pas amener à manger aux personnes détenues. Le tabac reste un maigre échappatoire pour soulager l’anxiété de la détention.
Le dossier de Luis a connu des rebondissements depuis ses 5 mois et demi d’enfermement. Il a vu passer plusieurs avocats et a fait de nombreux aller-retour au tribunal. L’Office des Étrangers lui a imposé une interdiction de séjourner sur le territoire de l’Espace Schengen pendant 2 ans. Ses demandes de libération ont été rejetées. Une première expulsion a été organisée le 26 juin 2023. Il refuse le vol. En Belgique, la détention administrative est limitée à 5 mois maximum. Ce compteur inique repart à zéro en cas de refus de monter dans le vol d’expulsion. Son nouvel avocat souhaite contester le fait de repartir de zéro dans ce décompte. Ces cinq mois renouvelables sont très difficiles à vivre, le refus du vol, doit être chevillé à l’espoir de sortir, mais ce refus s’accompagne paradoxalement d’un prolongement de l’enfermement. La libération n’est malheureusement pas une solution puisqu’elle s’accompagne d’un retour au Venezuela, où Luis n’a plus d’attache, mais pire, où il craint pour sa sécurité.
Sa seule alternative est en Belgique, où Luis s’est construit un réseau social, militant, amical. “J’ai travaillé 3 ans en Belgique. On veut se marier et on a un projet de vie. Je ne veux pas être riche, je veux juste être heureux avec les gens que j’aime et vivre ma vie sans avoir peur.”. Malgré tout, Luis a peu d’espoir sur son sort. Il a insisté à plusieurs reprises en témoignant : “On ne peut pas criminaliser les migrants ainsi. Il y a des hommes et des femmes qui ont la vie brisée et qui sont enfermé·es sans raison. Les belges doivent savoir que ces centres existent.”
Luis a fui son pays d’origine pour se mettre à l’abri d’un régime politique dangereux. Malgré ses obligations,la Belgique a refusé la protection internationale à Luis.
Il est privé de la possibilité d’effectuer des démarches pour régulariser sa situation bien qu’on lui oppose qu’il peut théoriquement les faire. En pratique, son enfermement l’empêche d’effectuer ces démarches en présentiel. Ces cadres pseudo-légaux qui ne sont que des labyrinthes administratifs n’ont qu’un but :criminaliser, enfermer, éloigner pour poursuivre l’exploitation.
Les politiques européennes, qui versent depuis des années dans la surenchère xénophobe conduisent à des situations dramatiques. Les personnes migrantes sont criminalisées et enfermées. Nous demandons la libération immédiate de Luis et de toutes les personnes enfermées car en exil. Nous dénonçons ce système injuste dans lequel les travailleur·ses migrant·es sont exploités puis expulsés.
Notes
- “La première année de la présidence de Nicolás Maduro a été marquée par un mécontentement croissant. Entre février et juillet 2014, des manifestations de grande ampleur, en soutien ou en opposition au gouvernement, ont éclaté dans diverses régions du pays. Les manifestants antigouvernementaux et certains dirigeants de partis d’opposition qui demandaient la démission du président ont été accusés de tentative de renversement du gouvernement.”(https://www.amnesty.be/infos/rapports-annuels/rapport-annuel-2014-2015/ameriques/article/Venezuela).
Pour plus d’information sur la situation actuelle au Venezuela : https://www.amnesty.org/fr/location/americas/south-america/Venezuela/report-Venezuela/#:~:text=Venezuela%202022,de%20soins%20de%20sant%C3%A9%20ad%C3%A9quats