Pour l'ouverture du centre d'accueil à Saint-Nicolas
Le Collège communal de Saint-Nicolas s’oppose à l’ouverture d’un centre d’accueil de demandeur·ses d’asile dans l’ancienne clinique de l’Espérance. Entre hypocrisie, préjugés racistes, désinformation et non respect de ses propres engagements, cette décision des autorités communales ne fait qu’alimenter les dynamiques de rejet des personnes exilées, leur stigmatisation, et les empêche de bénéficier d’un accueil digne dont l’urgence est renforcée par la pandémie de Covid-19.
Mercredi 1er avril, la presse annonçait l’installation dans le courant du mois de mai d’un centre d’accueil de demandeur·ses d’asile dans l’ancienne clinique de l’Espérance, sur la commune de Saint-Nicolas1. Déménagée dans les nouvelles infrastructures du Mont Légia depuis fin mars, les bâtiments de Saint-Nicolas sont destinés à permettre l’accueil de 200 personnes dans un premier temps, et 400 à terme. Dans une publication facebook du 6 avril, la bourgmestre PS Valérie Maes fait état de l’opposition du Collège communal à l’ouverture de ce centre et signale avoir fait appel à un avocat pour défendre sa position.
Pour justifier les motivations du Collège, trois arguments principaux sont avancés, et il semble nécessaire d’y répondre.
1. Le manque de concertation du fédéral, jugé “irrespectueux de l’autonomie communale”
2. L’inadéquation quant à “l’environnement immédiat”
3. Les “coûts majeurs” que cela représentera pour les autorités communales
En février 2018, la commune de Saint-Nicolas a adopté la motion de commune hospitalière. Loin d’être un simple label de bonnes intentions, la motion précise que parmi ses engagements concrets, la commune assurera un accueil spécifique des demandeur·ses d’asile et des réfugié·es. En conclusion de cette motion, la commune de Saint-Nicolas demande également “aux autorités belges compétentes et concernées de remplir pleinement leurs obligations européennes en matière de relocalisation et de réinstallation des réfugiés et se déclare solidaire des communes en Europe ou ailleurs confrontées à un accueil important de réfugiés”.
En regard de ces engagements, les reproches adressés au fédéral témoignent, a minima, d’un fétichisme procédural - grossier au vu de l’enjeu - mais, plus encore, d’une véritable hypocrisie politique (non, Madame la bourgmestre, cela ne tient en rien à du courage, comme vous avez osé l’écrire). Difficile de reprocher au fédéral de ne pas respecter l’autonomie communale, quand en tant que Collège communal on ne respecte même pas ses propres engagements.
L’argumentaire est développé sans gêne. Au point d’affirmer que ce projet ne répondrait pas aux “intérêts des bénéficiaires” (les demandeur·ses d’asile). On se demande en quoi : le voisinage est-il aussi xénophobe que ses représentant·es politiques ? La clinique de l’Espérance a accueilli des milliers de personnes chaque année, depuis plus de cent ans. Plutôt que de s’épuiser dans un contre-argumentaire, allons à l’essentiel : l’installation de 200 ou 400 personnes sur ce site ne va nullement déstabiliser la “densité de la population”, la “vie de quartier” ou “les réalités sociales”. La commune de Saint-Nicolas se distingue par sa diversité multiculturelle, et ce depuis de longues années, cela était aussi la caractéristique du public qui fréquentait la clinique de l’Espérance. Rappelons également que le démarrage du projet immobilier sur place n’est prévu, depuis la revente du bâtiment, que pour dans deux ans, raison pour laquelle le promoteur met à disposition de Fedasil son bâtiment.
Les autorités communales mettent en avant de soi-disant “coûts majeurs” que l’installation du centre représenterait pour le budget communal au travers de ses services, en premier lieu desquels, la police. Même si la gestion de l’accueil de demandeur·ses d’asile a pour habitude de se réaliser selon les logiques de la répression et de la criminalisation, c’est bien la Croix-Rouge qui s’occupera du centre, et non les forces de l’ordre. L’association entre personnes migrantes et charge de travail pour la police n’est qu’un révélateur de la xénophobie des pouvoirs publics qui, fidèles au racisme institutionnel, considèrent les personnes migrantes comme délinquantes. Madame la bourgmestre, inutile de clamer que vous ne souhaitez pas de “polémiques” racistes : avec votre Collège, le racisme a de beaux jours devant lui à Saint-Nicolas.
Par ailleurs, la charge financière invoquée pour les services communaux est tout simplement fallacieuse. Dans quels cas les personnes de ce centre en appelleraient aux services du CPAS ? On ne sait pas. On a beau chercher également quel service social pourrait être nécessaire : on ne trouve pas.
L’incohérence de cet argument financier se décline de trois façons :
- s’il était réellement un obstacle à l’installation d’un centre, pourquoi se focaliser sur le problème de la localisation en évoquant des emplacements alternatifs ?
- outre le subside accordé par Fedasil2, l’installation d’un centre a surtout un impact positif sur l’activité économique locale ;
- assurer les services communaux pour toutes les personnes, peu importe leur situation juridique, est également un engagement pris à travers la motion de Commune hospitalière (qui ne précise pas le nombre de personnes à partir duquel cet engagement s’autodétruit).
Plus globalement, nous considérons que cette opposition du Collège communal de Saint-Nicolas s’inscrit dans un contexte marqué à la fois par une saturation du réseau d’accueil en Belgique et, surtout, par l’augmentation d’actes criminels ayant pour cible des centres d’accueil du même type :
- Début janvier, l’État décidait d’exclure du réseau d’accueil certaines catégories de demandeur·ses d’asile, prétextant que cette saturation serait due à des demandes abusives ou superflues. Sans aucune base légale, cette mesure venait rejeter la responsabilité du manque de places disponibles en centre d’accueil sur les personnes exilées, tandis que l’État ne tenait pas ses engagements3.
- Les centres d’accueil pour demandeur·ses d’asile sont également l’objet d’actes d’agression. En novembre 2019, le bâtiment du futur centre d’accueil Fedasil de Bilzen (Limbourg) a été incendié, de manière criminelle. L’incendie a fait suite à plusieurs manifestations d’extrême-droite d’habitant·es de la commune4. Peu après son ouverture en janvier dernier, le centre d’accueil d’Ans a été la cible de vandalisme et ses résident·es d’insultes racistes5.
Lorsque des autorités locales s’opposent à l’installation d’un centre d’accueil, peu importe leurs motivations réelles ou déclarées, elles s’inscrivent dans une dynamique globale de rejet et d’exclusion des personnes exilées, aux côtés du racisme et de la xénophobie les plus intolérables. De plus, elles n’assurent ni les responsabilités humanitaires urgentes à partager entre les différents niveaux de pouvoirs publics, ni leurs propres engagements locaux pris sur base volontaire.
Une autre possibilité aurait été, d’une part, de ne pas se focaliser sur des questions de procédures fédérales, vu l’enjeu. D’autre part, de faire appel au Centre régional d’intégration, de constituer un groupe de citoyen·nes de la commune pour assurer une campagne d’information et de sensibilisation sur les questions migratoires et d’accueil auprès de la population locale.
Il n’est pas trop tard pour changer de cap.
Signataires
Migrations Libres
Cisolré asbl
F41
Pour agir
Signez la pétition en ligne :
https://secure.avaaz.org/en/community_petitions/citoyens_solidaires__pour_louverture_dun_centre_pour_refugies_sur_le_site_de_lancien_hopital_de_lesperance_/?tRdHvjb
Publié sur le site de la RTBF
Notes
- RTBF.be, “La clinique de l'Espérance de Montegnée devient un centre d'accueil pour demandeurs d'asile”, 1 avril 2020.
- 248 € par résident·e par an pour Beauraing en 2019 ; 330,78 € par place par an pour Florennes en 2020.
- CIRE, “Quand l’État résout la saturation du réseau d’accueil par l’exclusion de certains bénéficiaires, présentés à tort comme des abuseurs”, 7 janvier 2020.
- La Libre, “Incendie criminel du futur centre d'asile à Bilzen: le parquet ouvre une enquête sur une possible violation de la loi antiracisme”, 12 novembre 2019.
- La Meuse, “Vandalisme anti-migrants au centre d’accueil d’Ans”, 25 février 2020.